Image empruntée à un livre de chez Cascor Junior
En ce temps là, les marchands de sable utilisaient, pour endormir les petits enfants, du sable de différentes couleurs. Il y avait du sable rose pour les doux rêves, le sable bleu pour les nuits tranquilles et sans rêves, le sable rouge pour les rêves hilarants, le sable vert pour les rêves nostalgiques, le sable blanc pour les rêves qui deviennent réalité et, bien sûr, du sable noir, pour les cauchemars.
Tous les matins les petits marchands présentaient aux rayons de l’arc en ciel leurs petits tas de sable qui se coloraient aussitôt des différentes couleurs rose, bleu, vert et blanc.
Mais le sable noir venait d’ailleurs. D’où ? On ne le savait pas.
Certains disaient qu’il venait d’un profond volcan. D’autres prétendaient qu’il était fabriqué par le Grand Magicien Noir, tout en haut d’une montagne magique.
Une nuit il arriva quelque chose de terrible au petit marchand de sable noir ! Son sac de sable noir était totalement vide !
Il n’y avait plus un gramme de précieux sable.
Étaient-ce les hommes de la terre qui avaient volé son sable magique ? Ou les autres petits marchands de sable, jaloux de son pouvoir qui le lui avaient confisqué ?
Sur la terre tout le monde était content car les cauchemars avaient disparus de la planète. Les hommes organisèrent une grande fête multicolore où l’on célébra la mort des cauchemars. On jeta dans un grand feu les dessins monstrueux, les têtes de mort, les squelettes cliquetants, les fantômes frémissants et tous les mauvais rêves du monde. Le noir fut décrété couleur interdite par la loi, et on passa les nuits à rire et à chanter.
Et tous les soirs, le petit marchand de sable noir prit l’habitude de lancer comme les autres du sable de couleur. Et il fallait voir les enfants : ils souriaient aux anges.
Ils riaient dans leur rêves et se tenaient les côtes et faisaient pipi au lit à force de rire !
Certains mastiquaient en silence car le marchand de sable leur avait envoyé du sable orange, celui des rêves gourmands
D’autres rêvaient… qu’ils rêvaient. Et ceux qui avaient la chance d’avoir du sable vert, celui des rêves nostalgiques, rêvaient qu’ils étaient des gladiateurs romains !
Une chose était sûre : plus personne ne faisait de cauchemar.
Après quelques jours de cette vie de rêve, il commença à se passer des choses bizarres sur la terre.
La peur commença à apparaître, de-ci de-là, un peu partout dans la tête des enfants. Certains étaient terrorisés par un escargot, un papillon, une rose ou une fourmi !
D’autres avaient peur d’un tremblement de terre et refusaient de prendre l’ascenseur ou de grimper au toboggan.
Au bout d’une semaine de peur, les enfants s’enfermèrent dans leur maison et se cachèrent sous leur couette. Tous les enfants voulaient s’endormir coûte que coûte pour connaître encore des rêves qui pouvaient devenir réalité, car la nuit ils n’avaient plus de cauchemar, mais dés qu’ils s’éveillaient, les peurs revenaient de plus belle. Des peurs noires, menaçantes terribles.
Le petit marchand de sable noir regardait cela avec beaucoup de tristesse et beaucoup de sagesse :
- Je le savais bien, pensait-il tristement : c’était trop beau ! Les cauchemars sont nécessaires pendant la nuit, car la peur est nécessaire. Elle existe, et personne ne peut l‘effacer. Et les cauchemars il vaut mieux en avoir pendant la nuit que pendant la journée.
Alors le petit marchand de sable noir partit loin devant lui, son bâton à la main, pour remplir son sac de sable noir. Il marcha, grimpa, escalada pendant de longues journées et de longues nuits. Enfin il arriva tout en haut de la montagne.
Le Grand Magicien Noir était là, les bras croisés.
- Ah, enfin ! Je t’attendais. Je savais que tu viendrais.
Le petit marchand de sable s’assit car il avait beaucoup marché. Il s’assit sur un bloc de pierres volcaniques. Son sac était vide et sa tête pleine de question.
- Qui m’a pris mon sac de sable noir ? Le sais-tu ?
- Bien sûr, répondit le Magicien. C’est un petit garçon qui ne voulait plus faire de cauchemars. Il a jeté ton sac à la mer.
- Mais pourquoi les cauchemars existent-ils ? Pourquoi ai-je fais tout ce chemin ? Est-ce pour donner de vilains rêves aux enfants ? Pourquoi doit-on forcément avoir peur ? Je ne comprends pas.
Le petit marchand de sable se mit à pleurer.
- C’est normal, répondit le Magicien : On ne peut pas vivre sans être fatigué, sans pleurer, sans avoir envie un jour de casser ses jouets ou d’embêter sa maman et on ne peut pas vivre sans avoir peur de temps à autre.
Le Grand Magicien haussa les épaules.
- Si les cauchemars n’existaient pas, eh bien il faudrait supporter tous ces mauvais rêves pendant la journée : ce serait beaucoup trop fatigant !
Le petit marchand de sable comprit très bien le Grand Magicien. Il emplit son sac de sable noir et, de retour chez lui, l’enferma à clé dans sa maison, prés de l’arc en ciel.
Tous les soirs, très délicatement, très soigneusement, il prenait quelques grains de sable noir qu’il mélangeait à du sable de couleur. Les enfants continuèrent à rire, à rêver, à espérer…. Et de temps en temps ils faisaient un petit cauchemar qui apparaissait et disparaissait comme un fantôme de rien du tout ; Il n’y avait vraiment pas de quoi s’effrayer, encore moins de se réveiller ! C’était juste un mauvais moment à passer.
Vous savez, enfants ou grands qui lisez cette histoire, il y a les jolis rêves et les mauvais rêves ; pourtant les uns comme les autres sont nécessaires.
Les rêves qui font peur - les cauchemars - sont nécessaires aussi, car ils vous évitent de trop penser à vos peurs de la journée.
Ah ! Au fait ! Si, dans un de vos cauchemars, vous rencontrez le petit marchand de sable noir, faites lui pour moi un gros bisous sur les deux joues : il est si gentil et il a été si malheureux. Il pensait qu’on ne l’aimait plus ! Vous vous rendez compte ? Ne plus aimer le petit marchand de sable ! Quel cauchemar !
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Les contes de la fée Camille